Résumé
Cet article propose une analyse d’économie politique de l’inestimable dans la relation de soin à travers son négatif : l’industrialisation des soins. L’industrialisation se donne à voir à travers les réformes visant à réguler les pratiques professionnelles autour du respect de standards quantifiés de qualité des soins. Tout se passe comme si le soin était un produit homogène facilement réplicable d’un patient à un autre, indépendamment de leurs singularités. En guise d’illustration l’article s’intéresse aux récentes évolutions de la régulation de trois secteurs : la médecine libérale, l’hôpital et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Si cette industrialisation peut paraître irrationnelle (car elle produit de nombreux effets pervers sur la qualité des soins et sur les professionnels du soin), nous essayons de la replacer dans le cadre des transformations du capitalisme. Reprendre le contrôle sur le travail (via l’industrialisation des soins) est un moyen de déployer les logiques capitalistes.
Introduction
En France, la réforme du système de santé repose sur deux piliers : la maîtrise des dépenses1 socialisées2 et le contrôle du travail.
L’austérité budgétaire qui frappe le secteur public ne doit pas masquer le fait qu’en longue période et jusqu’à présent les dépenses de santé augmentent d’année en année. Maîtriser les dépenses ne signifie donc pas réduire le niveau absolu des dépenses mais réduire leur vitesse d’accroissement. La Consommation de biens et soins médicaux (CSBM), principal indicateur macroéconomique de la dépense de santé, a cru en moyenne de 10 à 15% par an pendant la période 1955-1985, de 5 à 10% entre 1985 et 1990 et de moins de 5% depuis 1990 (Soual, 2017). Cela n’implique pas pour autant que la situation s’améliore d’année en année, au contraire. L’ambition d’accroître l’accès aux soins de qualité, l’évolution tendancielle des prix (des matières premières, des consommations intermédiaires, des investissements) et des salaires devraient conduire à des augmentations plus élevées des dépenses socialisées de santé que ce que nous constatons depuis les années 1990. Ainsi, un budget qui augmente d’une année sur l’autre est souvent synonyme de détérioration de l’accès aux soins, de la qualité des soins et des conditions de travail. La cible principale pour maîtriser l’évolution des dépenses est le travail. La masse salariale étant le premier budget du système de santé dans son ensemble, l’essentiel de l’effort consiste à contenir la hausse des salaires (gel du point d’indice), réduire les effectifs et/ou à précariser le travail. Au-delà du cas de la France, l’attaque faite au travail dans le but de maitriser l’évolution des dépenses de santé est un point commun des politiques publiques en Europe (Math, 2017).
Le deuxième pilier des réformes qui touchent le système de santé concerne l’accroissement du contrôle du travail. Le travail du personnel de soin3 est de plus en plus normalisé et règlementé de façon à en accroitre la productivité. Fondée sur l’ensemble théorique aux contours incertains de la Nouvelle gestion publique (New public management), la réorganisation du travail passe par la définition de normes chiffrées de qualité qui permettent de définir de façon standardisée la production de soin. L’idée fondamentale est que les modes anciens d’organisation et de financement du travail valorisant l’autonomie favorisent en fait l’opportunisme des travailleurs. La quantification du travail et son contrôle permettraient alors de bénéficier de gisements de productivité. Le contrôle sur le travail s’exerce ainsi au nom de la qualité des soins mais vise aussi l’optimisation des dépenses. Dans le monde de la santé comme ailleurs, les travailleurs sont sous pression statistique et bureaucratique (Bruno et Didier, 2013, Hibou, 2012).
L’objectif de cet article est de proposer une analyse du contrôle du travail de soin à travers ce que l’on propose d’appeler le phénomène d’industrialisation des soins. Il faut cependant garder en tête que la justification principale du contrôle du travail est la maitrise de l’évolution des dépenses et que c’est cette dernière qui pèse en premier sur la dégradation du système de soin. Dans de nombreuses situations, les dispositifs de gestion participant de l’industrialisation des soins produiraient peu d’effets avec une contrainte budgétaire desserrée. Il y a donc bien une hiérarchie des problématiques. Le défaut de financement est le premier problème (non traité dans ce texte). L’industrialisation des soins est un problème second au sens où il constitue la forme particulière de l’organisation de la pénurie. C’est un problème second mais pas secondaire dans la mesure où il s’agit ni plus ni moins de la définition du travail lui-même.
Que se passe-t-il sur la question du contrôle du travail de soin ?
Pour répondre à cette question il est utile de partir du paradoxe suivant : en dépit de la prolifération des normes de qualité des soins (Setbon, 2000), on observe un accroissement de la souffrance des soignants qui estiment ne pas être en mesure de faire leur travail comme ils devraient le faire et cela au prix… de la qualité des soins. En 2013 par exemple, le collectif Docteur Blouses refusaient déjà « l’industrialisation des soins menée ces dernières décennies, au nom d’une logique budgétaire, avec les outils du new public management et dans une optique de marchandisation, parce qu’elle se fait au détriment des patients » (Docteur Blouses, 2013, p. 54). Le mouvement social né dans le secteur hospitalier en 2019 autour d’une multitude de collectifs (Inter-Hôpitaux, Inter-Urgences, Inter-Bloc, Infirmières en colère, Blouses noires, etc.) pointe également l’incompatibilité entre le métier de soignant et l’industrialisation des pratiques. Dans sa motion constitutive, le Collectif Inter-Hôpitaux demande un « plan d’urgence pour l’ensemble des hôpitaux » dont le premier point refuse « l’assimilation d’un parcours de soins à une chaîne de production industrielle […] [incompatible] avec la mission d’accueil de tous par l’hôpital » (Collectif Inter-Hôpitaux, 2019).
La thèse défendue dans cet article est que la prolifération des normes quantifiées de qualité des soins et des nombreux dispositifs de gestion associés participe d’une industrialisation du travail de soin (Da Silva, 2017, Da Silva et Rauly, 2016). On peut définir a minima l’industrialisation des soins comme un processus visant à fonder la pratique professionnelle sur le respect de normes standardisées et quantifiés. En cela, l’industrialisation cherche à réduire au maximum l’autonomie au travail, notamment en retirant au professionnel la possibilité de définir lui-même ce qu’est la « bonne » pratique. Cela suppose de créer des standards, d’être en mesure d’en vérifier le respect par les professionnels et, éventuellement, de sanctionner les pratiques déviantes. L’industrialisation des soins engendre cependant de la souffrance au travail car elle nie la richesse du travail de soin et le fait qu’il existe des conceptions incommensurables et concurrentes du « bon travail », autrement dit de la qualité4. Dans le langage théorique de l’Économie des conventions, que nous verrons plus loin, on peut dire qu’il existe différentes conventions de qualité des soins, dont la convention industrielle – qui ne valorise pas ce qui ne ce compte pas et/ou ce que l’on ne cherche pas à compter. Ainsi, tout l’inestimable dans la relation de soins, ce qui compte parce que cela ne se compte pas (Chanial, 2010, Molinier, 2013), devient illégitime, en contradiction avec les conceptions traditionnelles de professionnels. La convention industrielle ne peut pas prendre en compte les temps gratuits, l’attention, l’altruisme, l’empathie, etc. ou, pire, elle pense qu’il s’agit d’un gaspillage à réduire au minimum. La contradiction entre la façon dont les professionnels pensent leur travail et ce qu’on leur dit de faire constitue une origine importante de la souffrance au travail (Dejours, 1998, Benallah et Domin, 2017).
A première vue l’industrialisation des soins est irrationnelle. C’est oublier qu’elle se déploie dans le capitalisme sanitaire qui marque le système de santé de son empreinte de classe (Batifoulier, 2014, Batifoulier et Domin, 2015, Gelly et Pitti, 2016). Si la maîtrise des dépenses socialisées de santé est un aspect important du capitalisme sanitaire, le contrôle du travail l’est également. L’enjeu central est lié au pouvoir sur le travail. Qui décide ce qui est du travail et comment il doit être effectué ? Le cœur de la réforme, en santé comme ailleurs, est de briser l’autonomie du travail (Friot, 2017). La multiplication d’outils de gestion (notamment de rémunération) visant à industrialiser le travail et à exiger la performance totale (Jany-Catrice, 2016) peuvent ainsi s’interpréter comme la volonté d’un contrôle total sur le travail.
L’article est organisé de la façon suivante. La première section propose un panorama non exhaustif de l’industrialisation des soins en se focalisant sur l’hôpital, la médecine de ville et les Établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD). La deuxième section détaille les fondements théoriques de l’industrialisation, tant en économie qu’en médecine. Les troisième et quatrième sections étudient respectivement les effets pervers de l’industrialisation des soins et leur origine probable dans une épistémologie de la maladie arbitraire et réductrice. La section 5 propose une lecture de l’industrialisation à partir de l’Économie des conventions. La conclusion replace l’industrialisation des soins dans le cadre général du capitalisme sanitaire afin de montrer en quoi et pour qui cette évolution est rationnelle.
- Panorama non exhaustif de l’industrialisation du travail de soin
L’industrialisation du travail de soin s’inscrit dans le cadre très large et ancien du renouvellement de l’action publique. La Loi organique relative aux lois de finance (LOLF) votée en 2001 et appliquée à partir de 2006 donne à voir clairement à l’œuvre la transformation de la rationalité de la gestion publique (Jany-Catrice, 2012). Cette loi systématise dans l’administration française le recours à des techniques d’évaluation quantitatives et de pilotage par les indicateurs. D’une logique de moyens, l’État s’oblige à une logique de résultats. Le rapport Performance, incitation et gestion publique, réalisé par les économistes Dominique Bureau et Michel Mougeot (2007), affirme que « la mesure de la performance dans la gestion publique répond à un impératif démocratique ». Les ressources rares prélevées par la puissance publique doivent être gérées avec la plus grande finesse afin d’éviter les gaspillages et la formation de rente de situation. Les mots d’ordre de cette réorganisation sont bien connus : qualité, performance, efficacité, efficience, rationalisation, etc.
Le problème avec l’activité de soin est qu’elle s’est construite historiquement autour de l’idée d’une singularité de la relation entre le soignant et le soigné5. S’il est légitime que chaque professionnel s’adapte à la situation, aucune standardisation n’est possible. Tout l’enjeu de l’industrialisation des soins est donc d’imposer des institutions en rupture avec ce passé. Il faut désormais penser le service de soin comme une production industrielle, indépendamment des limites de l’exercice (Gadrey, 1991). On peut repérer cinq grandes institutions de l’industrialisation des soins (Da Silva, 2017) :
- Création de normes standardisées et quantifiées : l’industrialisation suppose la capacité à produire des normes standardisées et quantifiées et le développement de la Médecine fondée sur les preuves est de ce point de vu un appui pour la politique publique.
- Certification et diffusion des normes : les normes doivent être certifiées et diffusées pour être appliquées, ce qui suppose des institutions pour le faire. A l’heure actuelle, la Haute autorité de santé assure en grande partie ce rôle.
- Contrôle des pratiques : pour s’assurer de la diffusion des normes, il est nécessaire de pouvoir connaitre la réalité des pratiques. Le développement des systèmes d’informations comme le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) à l’hôpital et la généralisation de la Carte vitale permettent d’ouvrir la boîte noire de la relation patient/offreur de soin.
- Modification des pratiques : l’enjeu étant de modifier les pratiques de professionnels, les médecins en particulier, habitués à l’autonomie et à définir eux-mêmes leur travail, il faut inciter à adopter les nouvelles normes. Les dispositifs de rémunération des offreurs en fonction d’indicateurs quantifiés de qualité permettent cela. Il s’agit par exemple de l’introduction du Contrat d’amélioration des pratiques en médecine de ville en 2009 (ensuite généralisé dans le dispositif de Rémunération sur objectif de santé publique en 2011). L’incitation ne passe pas nécessairement par une rémunération à la qualité. C’est le cas avec la Tarification à l’activité à l’hôpital (2004) et avec le financement en fonction du niveau de dépendance dans les EHPAD. Ici, la quantification passe par une tentative d’homogénéisation des cas de façon à standardiser les financements.
- Sanction des pratiques déviantes : une modalité alternative pour imposer l’industrialisation est de sanctionner le non-respect des standards. Les différentes normes de pratiques constituent ce que les juristes appellent un droit mou (soft law) qui peut être utilisé contre les professionnels en cas de litige.
L’industrialisation des pratiques ne va pas de soi, elle exige un travail conséquent qui repose sur un appareil bureaucratique non moins conséquent. L’un des enjeux majeurs de la réforme dans le système de santé ces dernières années a donc été l’étatisation de la sécurité sociale qui a permis de généraliser le contrôle administratif du travail à travers de nouvelles institutions comme les Agence régionales de santé (Duchesne, 2018, Hassentefeul et Palie, 2005).
Parmi l’ensemble des institutions de l’industrialisation, les plus puissantes sont celles qui concernent le financement des offreurs de soin (professionnels ou établissements). Détaillons ici trois cas emblématiques concernant l’hôpital, les EHPAD et la médecine libérale.
- La tarification à l’activité. Représentant près de la moitié de la dépense de santé en France, l’hôpital est depuis au moins le début des années 1980 la cible de nombreuses réformes (Domin, 2013, Moisdon, 2013). C’est en quelque sorte l’autre mammouth à dégraisser6. L’organisation traditionnelle s’est peu à peu transformée pour se rapprocher du modèle marchand. En 1983 le financement par enveloppe globale remplace le prix de journée jugé trop inflationniste. En 2004, la Tarification à l’activé (T2A) remplace l’enveloppe globale qui n’est pas parvenu à maîtriser l’évolution des dépenses. La T2A s’intègre parfaitement dans la logique d’industrialisation des soins dans la mesure où le financement des hôpitaux est fondé sur des actes standardisés – désormais mieux connus grâce au PMSI. L’activité est segmentée en Groupes homogènes de malades correspondant à des Groupes homogènes de tarifs (GHT). Le financement de l’hôpital est alors fonction du nombre d’actes standardisés réalisés. Les tarifs sont fixés par rapport aux tarifs les plus faibles observés pour un groupe d’hôpitaux comparables. Dès lors, à un tarif donné, l’hôpital a tout intérêt à réduire au maximum ses coûts : puisqu’un hôpital peu faire moins cher, ils peuvent tous le faire7.
- Le groupe iso-ressource moyen pondéré soin (GMPS). A partir de 1999, les EHPAD voient leur mode de financement évoluer significativement. En plus du financement de l’hébergement et du soin, les structures sont éligibles à un financement spécifique pour la dépendance (Delouette et Nirello, 2016). Ce dernier est fonction du niveau de dépendance des personnes âgées, calculé à partir de la grille AGGIR (Autonomie, gérontologie, groupe iso-ressource). Celle-ci définit six Groupes iso-ressources (GIR) standardisés en fonction des caractéristiques de personnes correspondant à un niveau plus ou moins élevé de dépendance. En 2007 est introduit le Pathos moyen pondéré (PMP) qui mesure sur une échelle croissante la charge en soins médicotechnique des établissements. A partir du GMP et du PMP les établissements calculent le GIR moyen pondéré soin (GMPS) qui devient central dans l’attribution des financements et donc dans l’organisation du travail.
- La Rémunération sur objectif de santé publique. Alors que le paiement à l’acte est jugé inflationniste par les pouvoir public, l’assurance maladie introduit en 2009 un dispositif de rémunération de la médecine libérale basé sur le volontariat, le Contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI). Le CAPI franchi un pas supplémentaire par rapport à la T2A et au GMPS puisqu’il ne fait pas que reposer sur une standardisation de l’activité (Da Silva et Gadreau, 2015, Rolland et Sicot, 2012). En effet, le CAPI est un mode de financement établissant une relation croissante entre la rémunération et l’atteinte d’objectifs chiffrés de performance. En 2011, le CAPI a été généralisé à tous les médecins généralistes8 libéraux conventionnés sous la forme de la Rémunération sur objectif de santé publique (ROSP). Laconvention en vigueur (2016-2021) comporte 24 indicateurs de performance spécifiques pour les médecins traitants (souvent les médecins généralistes, il y a d’autres indicateurs pour certaines spécialités). Les objectifs se décomposent en trois grands thèmes : suivi des pathologies chroniques (diabète et hypertension artérielle), prévention (cancer du sein, cancer du col de l’utérus, grippe, etc.) et efficience (prescription de génériques). Par exemple, les médecins sont éligibles à une prime si une part suffisante de leur patientèle de femmes âgées entre 50 et 74 ans participe au dépistage du cancer du sein. Autre exemple, les médecins sont éligibles à une prime si une part suffisante de leurs patients obtient un résultat de dosage de cholestérol inférieur à 1.3 g/l. En 2018, la prime correspond à tous les objectifs de performance s’élevait en moyenne à 4 915€ (sur une rémunération moyenne de 86 000 €).
Ces trois modes de financement sont une illustration du processus général d’industrialisation des soins. A l’intérieur des secteurs évoqués d’autres formes d’industrialisation des soins se développent et, en dehors de ces secteurs, d’autres activités de soins sont industrialisées. On peut penser de façon non exhaustive à l’hospitalisation à domicile, l’aide à domicile, les services à la personne, la télémédecine, et, plus classiquement, aux activités d’hôtellerie, de restauration et d’entretien (Dusset et al., 2017, Gallois et Nieddu, 2015, Gallois et Rauly, 2019).
- Les fondements théoriques de l’industrialisation des soins
L’industrialisation des soins est un processus qui s’amorce à la suite du retournement du référentiel keynésien de politique publique dans les années 1980. Pour les politistes, un référentiel de politique publique est un cadre général d’analyse de la société dont découle un ensemble de prescriptions donnant un sens à un programme politique (Muller, 2003). Alors que le référentiel keynésien légitimait l’intervention publique dans l’économie (via par exemple des politiques budgétaires expansives), à partir des années 1980, le référentiel marchand s’impose et avec lui une nouvelle vision de l’intervention politique. Les privatisations sont désormais fortement légitimées et, lorsque ce n’est pas possible, la maîtrise des dépenses devient la règle. Le référentiel marchand n’est donc pas l’absence d’intervention publique mais la valorisation des principes du marché qui peuvent être portés à l’intérieur de la sphère publique. Le point commun de ses deux référentiels est qu’ils se fondent sur l’autorité de l’État. Or, en France, la sécurité sociale ne relève ni de l’État ni du marché (Vahabi et al. 2019). La sécurité sociale en 1945 était dirigée par les intéressés eux-mêmes par des élections au conseil d’administration des caisses de sécurité sociale (3/4 de représentants de salariés, ¼ de représentants d’employeurs). Parce que les ouvriers avaient connu la dureté des politiques sociales d’État avant-guerre, ils étaient désormais en mesure d’imposer leurs principes organisationnels : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. C’est l’une des raisons qui explique que les professionnels du soin (principalement les médecins) disposent d’une large autonomie dans leur travail. Ils ne relèvent ni de la règle bureaucratique (État) ni de la concurrence (marché) (Champy, 2009, Hassentefeul, 1997). Paradoxalement, les médecins libéraux n’ont jamais été aussi autonome dans leur travail que pendant l’âge d’or de la sécurité sociale qui solvabilisait les patients sans imposer aux médecins un contrôle du travail. D’une certaine manière, c’est l’étatisation de la sécurité sociale (la prise de contrôle de l’institution par l’État) qui a rendu possible l’industrialisation.
L’industrialisation des soins prend sa source principale dans deux grands champs théoriques qui se développent à partir des années 1970 à la faveur du changement de référentiel. D’un côté, la théorie économique standard, en mettant l’accent sur les asymétries d’information et sur l’opportunisme des travailleurs, propose de mimer la concurrence marchande pour gagner en efficacité. D’un autre côté, les évolutions de l’épistémologie médicale sont à l’origine de la puissance de la médecine fondée sur les preuves qui propose de généraliser l’usage des statistiques pour penser le soin.
Après une première phase de développement concentrée sur l’analyse de marché, la théorie économique dominante, contrainte et forcée par l’inadéquation entre sa théorie et les réalités empiriques, s’est intéressée aux interactions entre acteurs économiques en dehors du marché, principalement l’entreprise et l’État (Favereau, 1989)9. Si formellement le marché n’est plus le seul objet d’étude de la théorie standard, elle place néanmoins la situation de marché de concurrence pure et parfaite comme une norme supérieur du bien – un nirvana (Demsetz, 1969). Autrement dit, théoriquement le marché est une situation optimale mais des contraintes extérieures imposent de trouver des arrangements institutionnels de second rang.
L’un des principales contraintes est l’existence d’asymétries d’information dans le cadre d’une relation d’agence. La relation d’agence est une situation dans laquelle un mandant demande à un mandataire de réaliser une action en contrepartie d’une rémunération. C’est une situation générique qui peut s’appliquer à tous les secteurs de façon indépendante : la relation entre un employeur et un employé, entre un manager et ses actionnaires, entre un assureur et son assuré, entre un soignant et un soigné. Dans le cas de la relation patient médecin par exemple, le patient demande au médecin de le soigner contre rémunération. Le problème d’un point de vue théorique est que le médecin et le patient ne dispose pas du même niveau d’information sur la tâche à effectuer (Arrow, 1963). Le médecin connait la médecine et sait ce qu’il serait optimal de faire dans l’intérêt du patient. Mais, comme le patient est ignorant, le médecin est incité à réduire au maximum son effort au travail. Dès lors, le patient a tout intérêt à rémunérer le médecin en fonction d’objectifs chiffrés de productivité. Le système de santé dans son entier peut être conçu comme une chaîne de relations d’agence où, en raison des asymétries d’information, le marché ne peut pas faire jouer la concurrence (Rochaix, 1997). En conséquence, il est nécessaire d’introduire des mécanismes incitatifs permettant de mimer le marché. Les médecins libéraux doivent être payé à la performance (CAPI/ROSP) (Eggleston, 2005), les hôpitaux doivent être financés par le mécanisme de concurrence par comparaison / fictive (T2A) (Mougeot, 1993, Mougeot et Naegelen, 1998). S’il n’est pas possible d’atteindre le nirvana de marché, il toujours possible de s’en approcher en imaginant le schéma d’incitation adéquat.
L’idée centrale de ses modèles désincarnés est qu’il est tout à fait illusoire d’attendre du travailleur, soignant ou non, qu’il accomplisse les tâches pour lesquelles il est rémunéré. Cela implique qu’il faut impérativement retirer toute autonomie à celui-ci pour le contraindre à faire son travail. Les dispositifs les plus efficaces sont ceux qui créent un lien direct et croissant entre la rémunération et l’atteint d’objectifs chiffrés (donc vérifiables) de performance. Le salaire fixe est le problème et la rémunération variable la solution.
Comme on peut s’en rendre compte, la néoclassique repose sur une conception behavioriste de l’action (théorie du choix rationnel). Les individus sont réputés répondre automatiquement aux incitations économiques aussi mécaniquement et spontanément que le chien pavlovien salive au son de la cloche. Pour reprendre l’expression de Geoffrey Hodgson, la théorie néoclassique conçoit les individus comme des machines à plaisir (pleasure machines).Si certains raffinements théoriques proposent de prendre en compte des limites cognitives et affectives à la rationalité, le calcul d’intérêt demeure l’alpha et l’oméga de la pensée économique dominante10.
Le second fondement théorique de l’industrialisation des soins provient de l’évolution de l’épistémologie médicale. Dans les années 1970, si la multiplication des connaissances médicales permet d’améliorer les soins, elle ne va pas sans poser d’importants problèmes d’organisation. En effet, il devient difficile de traiter toute l’information médicale et de la hiérarchiser. Par ailleurs, une fois formés les soignants perdent souvent le contact avec le monde universitaire qui ne cesse d’évoluer. Cela pose des problèmes de formation et il n’est pas rare que des pratiques dangereuses se poursuivent alors qu’elles sont prohibées.
Dans ce contexte, la Médecine fondée sur les preuves propose une nouvelle méthodologie de traitement de la connaissance médicale. Elle propose de hiérarchiser les connaissances à partir des méthodes qui les ont produites (Sackett et al. 1996). Au sommet de la hiérarchie des preuves, l’essai clinique aléatoire (random clinical trial) qui répond le mieux aux exigences statistiques permettant d’attester de la véracité des découvertes (Keel, 2011). L’essai clinique randomisé se caractérise par sa dimension multicentrique (les essais sont menés dans des endroits différents pour que les populations testées ne soient pas homogènes) et aléatoire (le traitement testé est distribué de façon aléatoire par une loi statistique). La médecine fondée sur les preuves peut ainsi produire des normes quantifiées de pratiques (ou de prescription) qui peuvent ensuite servir comme étalon à toute la profession. Les autres méthodes de production des connaissances ne sont pas ignorées, elles sont hiérarchiquement inférieures. La médecine fondée sur les preuves, en relativisant l’expérience du professionnels et la singularité des patients, légitime un approfondissement de la division du travail de soin entre les producteurs de normes et ceux qui les appliquent.
La théorie économique et l’État trouvent dans la médecine fondée sur les preuves un allié de circonstance. Alors qu’historiquement l’État a toujours été soupçonné de vouloir réguler les professions de santé au dépend de la qualité des soins et de l’intérêt du patient, désormais il peut utiliser certaines normes du champ médical contre les professionnels. De son côté la théorie économique trouve les standards quantifiés d’activité dont elle avait besoin pour contrôler le travail et modifier les formes de financement des professionnels et des structures de soins. Pourtant, la médecine fondée sur les preuves n’est qu’une épistémologie de la santé parmi d’autres. En utilisant ces normes quantifiées pour industrialiser le travail, l’État durcit le débat propre au champ médical et prend le risque de choisir une conception du soin qui n’épuise peut être pas toute la réalité de la relation de soin.
- Les effets pervers de l’industrialisation des soins
Il est difficile de proposer une évaluation d’ensemble du processus d’industrialisation des soins non seulement car il repose sur des outils de gestions très variés mais aussi parce qu’il se développement simultanément à la maîtrise des dépenses. Les études sur les nouveaux modes de financement de l’offre de soins offrent cependant un bon aperçu.
Le paiement à la performance médicale en médecine de ville est probablement l’un des outils les plus importants à évaluer car il tend vers une forme pure de l’industrialisation du soin. En reliant directement la rémunération à l’atteinte d’objectifs chiffrés de productivité, théoriquement, l’opportunisme médical est contenu au maximum au plus grand bénéfice de la maîtrise des coûts et du contrôle de la qualité. Cette forme de financement est un graal théorique si important que certains plan de réforme du financement de l’hôpital reposent sur l’idée de rémunération à la qualité11. Or, le paiement à la performance médicale peine à démontrer sa capacité à améliorer la qualité des soins et/ou à réduire l’usage des ressources (Eijkennar et al. 2013). Lorsque la qualité s’améliore, il n’est pas possible de dire si c’est lié à la rémunération ou à une meilleure formation/information médicale. Ces résultats sont conformes aux conclusions d’un rapport de l’IGAS de 2008 (Bras et Duhamel, 2008), qui recommandait pourtant l’introduction de ce type de dispositif. Les études réalisées en France depuis 2009 confirment ce à quoi l’on pouvait s’attendre (Sicsic et Franc 2017).
En plus de son incapacité à prouver son efficacité, l’industrialisation des soins engendre des effets pervers, ce qui est une autre manière d’évaluer l’évolution de la qualité. De nombreuses études ont montré la tendance à sélectionner les patients et les tâches rentables. En Grande-Bretagne où le paiement à la performance médicale a été généralisé dès le début des années 2000, des chercheurs ont démontré qu’une hausse du taux d’exclusion des patients de 1% entraîne une augmentation de la performance de 0,31 %. Les médecins ont en effet la possibilité d’exclure des patients qu’ils considèrent trop spécifiques et qui risquerait d’impacter négativement leur productivité, c’est-à-dire leur rémunération. A l’hôpital, des stratégies se sont développées pour se spécialiser dans le soin des patients rentables (avec un GHT élevé par rapport au coût réellement supporté par la structure). Les hôpitaux ont alors intérêt à pousser vers la sortie les cas les plus médicalement et socialement les complexes. Dans les EHPAD, la composition des effectifs de personnes âgées fait l’objet d’une stratégie d’optimisation du financement en fonction des GIR et du Pathos de chaque entrant.
Parallèlement à la section des patients, les offreurs de soins peuvent décider de sélectionner les tâches et de se concentrer sur les aspects récompensés du travail. Roski et al. (2003) ont montré dans le cadre de la lutte contre le tabagisme que la distribution (rémunérée) de tracts anti-tabac s’est faite au détriment d’une attitude proactive visant à convaincre les patients d’arrêter de fumer. Lorsqu’ils le peuvent les hôpitaux développent des stratégies visant à optimiser leur éventail de cas traités (case-mix) – en se focalisant sur les activités les plus rémunératrices. Les recherches sur les modes de financements comparables à la T2A aux États-Unis, ont montré que les établissements se sont massivement restructurés, notamment en fermant les services d’urgence peu rentables. En France, les établissements se spécialisent également sous la pression de la T2A en fermant des services non rentables pourtant indispensables pour les patients.
L’introduction d’une gestion et d’un financement par les indicateurs induit des stratégies visant à détourner les indicateurs en se jouant d’eux (Beauvallet, 2010). A l’hôpital, une stratégie courante consiste à classer un malade dans un GHT plus rentable que ce qui devrait être fait. La surcotation est une pratique prohibée mais elle est très séduisante dans la mesure où elle permet d’accroitre les financements sans que cela se fasse au détriment des patients (contrairement à la sélection des tâches et à la sélection des patients). Ce type de pratique est relativement développé en France et donne lieu à des sanctions envers les établissements qui se font prendre (Juven, 2016).
La qualité des soins peut être détériorée par d’autres mécanismes. La T2A incite fortement les établissements à réduire leur coût afin que les GHT soient suffisant pour les maintenir à l’équilibre. Une stratégie évidente consiste à réduire la durée de séjour, phénomène que l’on observe dans tous les pays où la tarification à l’activité a été introduite. Au-delà d’éventuels gaspillages évités, l’hôpital reporte le coût des soins (et de la convalescence) sur d’autres acteurs (ambulatoire et famille) en créant de nouvelles problématiques. Par exemple, avec le développement de la chirurgie ambulatoire (malade soigné dans la journée puis renvoyé chez lui), le nombre d’hospitalisations partielles a fortement augmenté. Or, le suivi des malades à domicile engendre des inégalités car l’éducation à la santé des patients n’est pas la même et leur niveau de revenu non plus (la couverture santé publique est moins forte en dehors de l’hôpital). De façon encore plus problématique la course à la sortie rapide et à la productivité peut conduire à ce que les patients soient contraints de revenir car ils ont été mal pris en charge la première fois (Belorgey, 2010).
L’industrialisation des soins n’est pas uniquement un risque pour les patients, elle est également une source de souffrance pour les soignants. Dans les EHPAD, les travailleurs sont marqués par une augmentation importante des cadences de travail (Dusset et al. 2015). Adossés à des normes de pratiques standardisées, le recours aux outils de gestion quantifiés comme la télégestion et l’informatisation conduit à la réorganisation de l’activité sous pression constante du temps qui s’écoule. La conception industrielle des soins conduit à une division du travail en tâches élémentaires qui accroit la pression temporelle. Or, les tâches visibles et quantifiables tendent à évincer la relation humaine et sociale pourtant essentielle aux yeux des professionnels.
A l’hôpital des études récentes ont montré que la volonté constante d’accroitre la productivité a conduit à la détérioration des conditions de travail, notamment avec une augmentation de la réalisation de mouvements douloureux et fatigants ainsi que des déplacements fréquents et longs (Le Lan et Baubeau, 2004 ; sur la période 1998-2003). L’exploitation de l’enquête « Conditions de travail » de l’INSEE a mis en évidence une forte intensification du travail entre 1998 et 2012, plus forte pour le secteur hospitalier que pour le reste de la population. Les contraintes de rythme sont au cœur de cette intensification avec l’obligation de respecter strictement des normes et délais de production (Benallah, Domin, 2016).
L’industrialisation du travail de soin remet en cause non seulement la qualité du service pour le patient mais aussi la santé mentale et physique des professionnels. Comme on l’a vu en introduction, les soignants souffrent de ce qui est fait à leur conception du métier. Ils vivent une perte de sens au travail et développent le sentiment de qualité empêchée.L’épuisement professionnel (burn out) est alors une réponse dangereuse qui permet pour un temps d’essayer de préserver la qualité. L’enjeu de l’industrialisation était de changer la conception du soin pour reprendre le contrôle sur le travail. Logiquement, parce que les professionnels ne sont plus en capacité de décider eux-mêmes ce qu’est la « bonne pratique », ils souffrent de devoir appliquer des standards auxquels ils n’adhèrent pas toujours.
- Une épistémologie arbitraire et réductrice
L’industrialisation des soins bute sur le réel et ce n’est pas étonnant. En effet, l’épistémologie qui sous-tend l’industrialisation des soins souffre de nombreuses critiques (Da Silva, 2017). Elle est arbitraire (d’autres épistémologies sont possibles) et elle est réductrice (elle nie ses propres limites en tant que mode de production des connaissances).
Pour se déployer l’industrialisation des soins nécessite de pouvoir quantifier l’activité de soin. Or, en épistémologie de la maladie, là où l’on pourrait penser que les données chiffrées règnent en maître, il existe une controverse importante sur la portée de la quantification. Pour les positivistes, la maladie peut se définir comme une variation quantitative de l’état normal. La maladie est une situation de déséquilibre quantitatif et l’enjeu pour la science médicale est de découvrir les bornes du « normal » pour en déduire l’existence de la maladie. La maladie est alors un phénomène séparable du patient, objectivement et scientifiquement mesurable. Cette épistémologie justifie en grande partie la supériorité de l’essai clinique randomisé sur les autres formes de production de savoirs médicaux. Parce que cette technique permet de contrôler quantitativement l’évolution de l’état d’un patient et de nettoyer les contingences locales par l’usage d’échantillons importants et hétérogènes, elle serait supérieure à toute autre forme de connaissance.
La conception positiviste de la maladie s’inscrit parfaitement dans le mouvement réformateur visant à contrôler le travail médical – indépendamment de la réalité de la supériorité de cette épistémologie sur une autre (Dumesnil, 2014). Si la maladie n’est qu’un écart quantitatif par rapport à la norme, le soin peut être pensé en dehors du patient, du médecin et leur relation. A chaque situation correspond un protocole. Il est alors possible d’appliquer les méthodes de la nouvelle gestion publique : standardisation, normalisation, production à grande échelle, incitation financière, etc.
Face à cette conception, Canguilhem et ses successeurs proposent de définir la maladie comme une variation qualitative par rapport à la situation normale (Canguilhem, 1966, Durrive, 2014). Il y a une hétérogénéité entre les deux situations qui empêche la quantification et la standardisation. La maladie repose dans la subjectivé du malade qui ressent le besoin d’exprimer son mal. Il n’est pas possible de séparer la maladie du malade. L’origine du savoir n’est plus dans l’étude de la maladie comme catégorie générale et abstraite mais dans l’écoute du patient. Dès lors, l’enjeu pour la pratique médicale est de réussir à faire le lien entre le cas général abstrait et le cas concret par une attention particulière du patient. Le soin n’est plus principalement dans le protocole mais dans la relation.
Bien sûr l’opposition entre ces deux épistémologies n’est pas aussi nette. Elle dépend des types d’activité médicale dont il est question. Cependant, il est tout aussi certain que le débat épistémologique est intense et qu’il ne repose pas uniquement sur des arguments théoriques. Certains auteurs proposent d’interroger la pertinence de la hiérarchie des preuves fondée sur le seul critère d’usage des statistiques et de grands échantillons. L’étude d’un cas singulier peut avoir de grandes vertus pour le développement des connaissances, soit parce qu’il est rare, soit parce qu’il permet de changer le regard sur la maladie et le malade. Une démarche qui cherche l’universel contenu dans le singulier n’est pas dénuée d’intérêt (Masquelet, 2010). Plus largement, l’essai clinique aléatoire est incapable d’aider à comprendre d’autres réalités médicales comme l’effet placebo. L’effet placebo tire probablement son pouvoir de ce qui est non médical, de la relation entre le soignant et le soignant ou encore des croyances du patient. Un essai clinique aléatoire a montré que des patients soignés du mal de dos par la méthode traditionnelle d’acupuncture déclaraient autant d’effets bénéfiques que des patients traités par des « faux » points – tandis qu’un troisième groupe de patients traités sans acupuncture déclaraient moins de bénéfices que les deux premiers groupes (Haake et a. 2007).
Cet aspect symbolique du soin est l’une des origines d’un mouvement appelé « Patient centered medicine » par opposition à l’« Evidence based medicine » (Bensing, 2000). Il ne s’agit pas de rejeter la médecine fondée sur les preuves mais de la nuancer en prenant en compte le fait que l’enjeu de la relation médicale n’est pas de soigner des maladies mais des patients. Dans ce cadre une grande attention doit être portée à la subjectivité du patient. L’épistémologie positiviste de la maladie qui fonde l’industrialisation n’est pas arbitraire, elle repose sur des arguments sérieux qui font continuellement l’objet de débats. Cependant, la puissance publique choisit arbitrairement une épistémologie plutôt qu’une autre au risque de diluer d’autres aspects essentiels du soin.
En plus de ce débat épistémologique interne au champ médical, le développement de l’industrialisation des soins repose sur une épistémologie réductrice des objets statistiques. La légitimité de la médecine fondée sur les preuves provient de sa prétendue capacité à produire des connaissances objectives car quantifiées. Pourtant, l’épistémologie positiviste des objets statistiques qui sous-tend l’industrialisation des soins bute sur leur nécessaire construction socio-historique. Pour le dire autrement, à la suite des travaux d’Alain Desrosières, il est nécessaire de dénaturaliser les résultats des essais cliniques randomisé dont la forme chiffrée tend à faire oublier leurs conditions matérielles de production.
L’industrie pharmaceutique est la principale institution produisant des essais cliniques randomisés. Dans la mesure où cette forme de production de la connaissance est particulièrement couteuse et que l’objectif de l’industrie est de réaliser des profits, il est nécessaire d’étudier de près la façon dont sont menées ces études. Il apparait en effet que l’industrie tend à réduire la durée des essais pour produire des résultats rapidement, quitte à ce que des effets indésirables surgissent plus tard (ce qui cause régulièrement le retrait des nouveaux médicaments du marché, Lasser et al. 2002). Par ailleurs, toujours dans le but d’accélérer la mise sur le marché, les essais tendent à se concentrer sur des objectifs intermédiaires d’évaluation plutôt qu’à des objectifs finaux. Par exemple, plutôt que d’attendre d’observer l’amélioration de l’état de santé d’un patient diabétique, la recherche se concentre sur l’évolution d’indices biologiques comme le taux d’hémoglobine glyquée (Downing et al. 2014).
Par ailleurs, il faut souligner que les choix concernant les objets de recherche dépendent de l’industrie et de ses intérêts. Elle aura ainsi tendance à privilégier des programmes de recherche et développement ayant des perspectives de rentabilité quand bien même ce choix ne serait pas optimal du point de vue des besoins sociaux. Cela explique pourquoi les recherches multiplient les innovations brevetables qui n’améliorent pas significativement l’efficacité par rapport à des produits existants. Les firmes développent et vendent de nombreux médicaments « moi aussi » nommés de cette façon car ils soignent comme d’autres avant eux, leur avantage étant un nouveau brevet permettant d’augmenter les prix (Keel, 1999).
Au total, l’épistémologie au fondement de l’industrialisation des soins est non seulement arbitraire mais aussi réductrice. Ce n’est pas parce que les protocoles sont chiffrés qu’ils disent le vrai. Il faut constamment interroger la façon dont est produite la connaissance. Pour ne prendre qu’un exemple, d’après la revue médicale Prescrire12, sur 26 indicateurs introduits dans la ROSP en 2011, seulement 9 d’entre eux peuvent être retenus comme pertinents eu égard à l’état des connaissances médicales. Toute la chaine des institutions de l’industrialisation des soins est à interroger, d’autant plus subversivement qu’elles prétendent à la vérité.
- Les conventions de qualité du travail médical
Si l’industrialisation des soins induit indubitablement des effets indésirables et si elle repose sur une épistémologie contestable de la maladie, il est également évident qu’elle repose en partie sur des fondements légitimes. L’approche de l’Economie des conventions permet de représenter le conflit entre plusieurs conceptions légitimes et incommensurables du bien (Boltanski et Thévenot, 1991). En situation d’incertitude sur ce qu’il convient de faire, il est possible de se référer à plusieurs modèles d’évaluation permettant de guider l’action. Ces modèles d’évaluation sont autant de principes de justice qui ont la particularité de ne pas être réductibles l’un à l’autre.
Etudiant la question de la qualité des biens, Eymard Duvernay (1993) propose de d’opposer une conception industrielle de la qualité à une conception domestique. Dans le premier cas, la qualité relève du respect de standards chiffrés avec des procédures fortement formalisées alors que dans le second la qualité repose sur le lien de proximité entre le producteur et l’acheteur. Une illustration restée célèbre oppose deux conceptions de la qualité du camembert dans l’industrie fromagère : le camembert normand, qui repose sur des techniques ancestrales et sur l’identité du producteur, et le camembert normé qui respecte des normes standardisées et abstraites de production (Boisard et Letablier, 1987). Si cet exemple peut paraître étonnant, il met bien en évidence deux conceptions incommensurables de la qualité.
Dans le cas de la relation de soin, deux conventions de qualité des soins qui s’opposent : une convention industrielle et une convention inspirée/domestique (Tableau 1). L’industrialisation des soins telle que nous l’avons décrite est en conséquence le processus cherchant à imposer la convention industrielle (et les institutions de l’industrialisation qui lui sont nécessaires). Elle repose sur l’épistémologie positiviste de la maladie. La maladie est une variation quantitative du normal et l’objet de l’activité de soin est la maladie et non le malade. Le problème qui se pose est celui de l’hétérogénéité des pratiques pour des cas similaires, il faut donc développer et imposer des normes chiffrées d’activité. Le rôle du soignant est d’attribuer à un cas une procédure. L’éthique professionnelle est secondaire au sens où le rôle du soignant est de respecter à la lettre les standards diffusés par les agences de certifications13.
Face à cette convention industrielle, la convention inspirée/domestique repose sur la capacité du professionnel à s’adapter à la singularité des cas. Cette convention est qualifiée d’inspirée car, à partir de ses compétences professionnelles, le soignant doit user d’ingéniosité pour s’adapter au cas. La convention est également domestique car il s’agit pour le professionnel de cultiver la relation soignant/soigné qui est au cœur même du processus de soin. La maladie est conçue comme une rupture qualitative avec le normal. L’objet de l’activité de soins est le couple soignant/soigné et le problème à résoudre est l’adaptation du professionnel à la singularité du cas. La qualité est donc définie par le professionnel lui-même dans la relation de soin ce qui suppose une forte éthique professionnelle et un contrôle par les pair pour ne pas abuser d’une position dominante.
Tableau 1 : Convention de qualité des soins inspirée/domestique et industrielle
Convention inspirée/domestique |
Convention industrielle |
|
Définition de la maladie |
Rupture qualitative avec le normal |
Variation quantitative avec le normal |
Objet de l’activité |
Couple soignant-soigné |
Maladie |
Problème à résoudre |
Singularité et complexité |
Hétérogénéité des pratiques |
Objet du soin |
Malade singulier |
Malade moyen |
Particularité du savoir |
Fondé sur l’expérience |
Fondé sur les standards |
Tâche du soignant |
Adaptation au cas |
Attribution du cas |
Définition de la qualité |
Professionnel |
Standards |
Éthique médicale |
Primordiale |
Secondaire |
Institution de la confiance |
Éthique médicale |
Agence de certification |
Adapté de Da Silva (2017) |
A partir de cette construction théorique, il est possible de réinterpréter le processus d’industrialisation des soins. Il existe différentes conceptions incommensurables de la qualité des soins. L’injonction permanente à la qualité est donc incomplète car il faudrait préciser quelle qualité ? L’industrialisation des soins, conduite à marche forcée par la politique publique, défend une conception particulière de la qualité qui, si elle n’est pas dénuée de fondements, bouleverse complètement le rapport au travail des professionnels du soin. Les professionnels perdent toute autonomie dans leur travail car ils ne décident plus de ce qu’il convient de faire mais ils appliquent des standards impersonnels qu’ils peuvent par ailleurs juger inadéquats à la situation vécue. En établissant la nomenclature complète et quantifiée de ce qu’il faut faire, la convention industrielle réduit jusqu’à rien les temps morts qui étaient autrefois autant de moment où pouvait s’exprimer l’inestimable dans la relation de soin. Avec l’accroissement de la contrainte financière liée à la maîtrise des dépenses socialisées de santé, la course à la productivité vide le travail de toute spontanéité. Tout ce qui ne se compte pas, n’existe plus.
Conclusion : De l’industrialisation au capitalisme sanitaire
Le mouvement d’industrialisation des soins s’appuie sur une convention de la qualité qui bute sur la conception traditionnelle des professionnels. Ces derniers sont dépossédés de leur travail et se voient contraints d’appliquer des normes qu’ils peuvent parfois réprouver. L’accentuation de la contrainte budgétaire aggrave cette situation. Si la convention industrielle de qualité des soins repose sur des arguments légitimes, l’État réformateur nie l’existence d’autres conceptions de la qualité et impose l’industrialisation parce qu’elle est compatible avec l’objectif de maîtrise des dépenses. Pourtant, les effets pervers de l’industrialisation des soins et les risques qu’elle fait peser sur d’autres aspects de la qualité sont bien connus.
Le rôle de l’État est décisif. C’est lui qui organise et impose l’industrialisation dans le contexte plus général de capitalisme sanitaire. L’État organise le secteur des soins entre ce qui est rentable (qui est privatisé) et ce qui ne l’est pas (qui reste socialisé). Il solvabilise les grands industriels de la pharmacie et des technologies qui ne pourraient pas vendre leurs marchandises sinon. Il organise le marché en homogénéisant les produits de santé et en transformant la rationalité du patient en consommateur et celle de l’offreur en entreprise à but lucratif. L’industrialisation des soins, en plus de reprendre le contrôle sur le travail des professionnels, standardise les procédures et les normes, ce qui est un pas décisif pour créer un marché et faire jouer la concurrence. Tant que les biens vendus sont singuliers, ils sont incommensurables et la concurrence ne peut pas s’exercer. Du moment où la quantification du travail et de la production s’impose, la concurrence du tous contre tous peut se déployer.
L’inestimable dans la relation de soin ne peut survivre à la double lame de l’industrialisation et de la maîtrise des dépenses. Il serait néanmoins faux de penser que cette tendance est générale. Dans la santé comme ailleurs, le capitalisme produit des inégalités sociales, territoriales et financières. Il existe toujours des lieux où il est possible de prendre le temps du soin. La crise que connait l’hôpital est une crise de l’hôpital public, au même moment où le secteur privé connait une concentration croissante et est la cible de grands groupes capitalistes. Si on en parle souvent de manière indifférenciée, les EHPAD sont très inégalitaires, en fonction de la disposition à payer des résidents. En médecine de ville, l’un des arguments pour légitimer le secteur à dépassement d’honoraire est la possibilité pour les médecins de prendre plus de temps lors des consultations. Au total, l’accès au soin de qualité industrialisé dépend de l’incapacité à payer pour d’autres formes de soins. La défense des institutions de la sécurité sociale ne doit pas faire oublier que lorsque celle-ci recule, d’autres groupes sociaux avancent. L’enjeu de la lutte contre l’industrialisation est aussi un enjeu de classe.
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Nicolas Da Silva
Maître de conférences en Economie
Université Paris 13, CEPN UMR 7234