2015/2 – Transmission of mental diseases
En dépit de nombreuses avancées scientifiques, les maladies mentales restent énigmatiques à plusieurs égards, notamment du point de vue de leur étiologie. On se demande depuis longtemps comment elles apparaissent, quels sont les facteurs susceptibles de les déclencher ? On se demande même parfois s’il existe un déclenchement, ou si au contraire elles sont présentes dès la naissance, notamment si elles sont génétiques. Les facteurs étiologiques, s’il y en a, sont-ils exogènes ou endogènes ? L’environnement joue t-il un rôle important ou secondaire, ou n’a t-il aucun impact sur la maladie mentale ? Les origines sont-elles organiques, psychiques, ou les deux ? Toutes ces questions concourent à nous demander comment les maladies mentales se transmettent. Est-ce qu’elles se transmettent entre générations, entre familles, entre cultures, entre les âges de la vie, entre les sexes, ou encore entre elles-mêmes, c’est-à-dire est-ce que le développement d’une maladie mentale conduit à une autre, ou est-ce en réalité la même, l’une est-elle incompatible à la présence de l’autre, ou sont-elles souvent liées ?
Dans nos pratiques, nous reprenons parfois cette idée de Dolto selon laquelle « il faut trois générations pour faire un psychotique » (Le cas Dominique, p. 246). Nous nous interrogerons donc sur la pertinence de cette réflexion, sur ce qui se transmet d’une génération à l’autre dans une famille de patients psychotiques, ou au contraire sur ce qui ne se transmet pas, comme les secrets de familles en témoignent, ou encore sur la pertinence du « double lien » qui serait à l’origine de certaines psychoses (Bateson, G., et al.1956, Behavioral Sciences., 1, 251-264). Autrement dit, d’un point de vue systémique, quels sont les différents facteurs susceptibles de conduire un ou plusieurs membres d’une famille à la psychose ? Et si la famille peut se concevoir comme un système faisant émerger la maladie mentale, nous pouvons pareillement envisager qu’une société fasse émerger certaines pathologies, spécifiques ou non, comme Les fous voyageurs de I. Haking. Nous questionnerons ainsi la transmission de la maladie mentale au sein d’une même société, ou encore d’une société à l’autre, et par suite, comment l’exil peut être source de difficultés psychiques, d’autant plus que la maladie mentale est parfois perçue très différemment d’une société à l’autre.
Dans ce numéro, nous ne prétendrons pas répondre à toutes ces questions et encore moins être exhaustif sur la manière dont les maladies mentales se transmettent, mais nous essaierons plutôt d’esquisser le plus largement possible la manière dont on peut concevoir la diversité de leur transmission. Il ne s’agira donc en aucun cas d’apporter une réponse définitive à l’une des questions, mais plutôt d’envisager les différentes approches possibles de la transmission des maladies mentales. Les auteurs nous inviterons ainsi à réfléchir successivement sur la transmission de la schizophrénie, en avançant une hypothèse psychanalytique qui conjugue à la fois les facteurs génétiques, épigénétiques et acquis (Dimitriadis) ; sur les différentes transmissions psychiques qui s’effectuent entre bébés et adultes, que ce soit dans un sens ou dans l’autre (Golse) ; sur la transmission des secrets pathogènes dans les familles et dans les institutions (Tisseron) ; sur la transmission en thérapie familiale, pour laquelle les auteurs proposent un exercice original avec un double niveau de lecture. Il s’agit d’une réflexion partant de la transmission de la schizophrénie, laquelle s’est construite en se transmettant d’un thérapeute à l’autre, l’un écrivant à la suite de l’autre, afin d’exprimer les multiples façons de transmettre, tant entre les thérapeutes qu’entre les membres d’une famille, ou encore entre les thérapeutes et les familles, ce qui permet d’esquisser les différents types de transmissions systémiques qui s’effectuent au sein d’une thérapie familiale (Equipe de thérapie familiale de l’Association l’Elan retrouvé). Notre réflexion sur la transmission des maladies mentales se poursuivra sur la manière dont le passage d’une culture à une autre est susceptible d’engendrer des symptômes (Chapelier) ; sur ce que l’on accepte de perdre ou non en vieillissant, sur ce que l’on transmet ou non selon les âges de la vie, en étudiant notamment le regard que l’on porte sur soi dans la traversée du vieillissement (Verdon) ; sur ce que la pratique clinique avec les transsexuel(le)s nous transmet, que ce soit des remises en cause de nos théories et de nos pratiques, ou que ce soit de nouveaux savoirs, ou encore des éclaircissements et des enrichissements de théories déjà existantes comme avec la dernière partie de l’enseignement de Lacan (Hubert) ; et enfin nous finirons ce tour d’horizon de la transmission des maladies mentales en nous interrogeant sur la manière dont elles sont mises en lien, et plus particulièrement sur les difficultés auxquelles nous sommes conduit lorsqu’on confond mélancolie, dépression, psychose maniaco-dépressive et troubles bipolaires (Douville).
Between babies and adults: a history of transmission in both directions
Abstract. After considering the concepts of international and intergenerational psychic transmission under the theory of the deferred action, the author then discusses the available models of the transmission process (successively in the light of the works of W. R BION, J. BOWLBY and D.N. STERN), before concluding with the system of early interactions between babies and their caregivers as a place of narrative in both directions.
Pathogenic secrets in families and medico-social institutions
Abstract : To understand the consequences of secret’s families, some changes in theory were necessary: on the place of Preconscious and Unconscious, on the splitting, on the symbolization operated on a sensori affectivo motor mode, and on social reality. These changes tacked the liberty, as soon as 1980, to build a new approach based on three concepts: the Secret as a psychological reality (written with a capital “S”), the “seepages” and the ricochets on several generations. They also shed light on the pathologic secrets in the institutions, in particolar medico social, and on the importance of the social law.
Pass the baton to your neighbour
Summary. How to broach the issue of transmission in systemic terms? What is transmitted to families affected by mental illness? What transmission emerges between therapists and their supervisor or an entire family therapy team? With the use of a “floating object” (“objet flottant”) inspired by those of Philippe Caillé, each therapist has seized the theme, writing one after another, bringing forth a dense frame addressing multiple registers. This is a faithful rendition of an initially intended to be read exercise.
When culture becomes a symptom
From the clinical case, of a child of Maghrebian origin, in which the parents refuse to pass on their culture, the auteur shows how this culture invites itself under the form of symptoms to initiate new oedipal identifications who was failing and for reduce castration anxieties.
The incisive experience of looking at oneself in the crossing of aging: stress, intrusion, reconciliation
Abstract. Aging is an extremely trying experience, even when no considerable deterioration takes place. The encounter with multiple and incessant injuries and impediments and the prospect of approaching death is highly complex; though original, it is consistently spanned by the emergence of many psychic issues which result from deferred action. Asked or forced to change yet remaining the same, aging men and women can engage in internal dialogue to confront and perhaps associate the tensions inherent in the aging experience. By placing emphasis on the potential of connecting with the inner child, we seek to shed light on some aspects of the aging experience.
The radical transformation of the clinic as a product of the transmission of clinical meetings with transsexual people
Summary. The clinical encounters with transsexuals have profoundly changed my psychoanalytic view, in practice and in theory. This radical transformation will be studied from the Lacanian clinic starting from the obstacles that are presented theoretically in my clinical experience. The confrontation with the enigma transsexual will cause a radical change in which knowledge produced by transgender people themselves has a decisive part. The concepts of structure and disease will be excluded and it is with the last part of Lacan’s teaching, knots, mingled with Marx’s theories of value as operating logic will be implemented.
On difficulty where we are in confusing melancholy and depression, manic-depressive psychosis and bipolar disorder
Abstract. Philosophical and methodological bases of psychiatry are in full mutation. The new paradigms, which highlight an “athéroism” ambition, accommodate poorly with the major frameworks of classical psychopathology. The old notions of mania / melancholy disappears in favor of the vague notion of bipolar disorder. The ambition of this article is to give an obviously quick and partial view of melancholy history and to assert its dignity. Melancholy has a long history, and it affects as well the medical field as the aesthetics and ethics ones. Today, the ancient melancholy hero is a subject embarrassed by his mood disorders. Such a disappearance of what melancholy is has to be questioned.