Dans la clinique actuelle, le travail semble souvent constituer une issue favorable à la psychothérapie entamée, comme s’il était le symbole d’une bonne disposition psychique. C’est surtout vrai pour les patients qui souffrent de psychoses et pour lesquels l’espoir de retravailler un jour viendrait en quelque sorte leur prouver qu’ils sont comme tout le monde. Mais c’est aussi vrai du côté des psychothérapeutes qui ont notamment cette tendance à considérer qu’une thérapie efficace serait celle qui permet au patient de retrouver un travail, que celui-ci soit en milieu protégé ou non. Le travail viendrait ainsi comme un critère légitime pour justifier l’efficacité d’une psychothérapie. Parfois, le travail est même intégré dans la psychothérapie elle-même, parce que l’on considère qu’il est une activité permettant au patient de trouver un équilibre psychique, ou qu’il lui évite de ruminer, ou qu’il ne lui laisse pas le temps de délirer, ou qu’il lui permet de ne pas rester seul chez lui, c’est-à-dire que le travail serait thérapeutique en lui-même.
Pourtant, le travail c’est aussi une contrainte qui peut être angoissante, oppressante, fatigante, ou conflictuelle, et exposer ainsi le patient à de nombreuses situations qui mettent au contraire son équilibre psychique en péril. Rappelons à cet effet, qu’étymologiquement le travail vient du latin tripalium et qu’il désignait un instrument de torture, ce qui ne permet guère de le penser comme une activité permettant d’atteindre un équilibre psychique, ni même physique. D’ailleurs, la souffrance au travail est un phénomène social de plus en plus courant, au point de conduire parfois le patient à ne pas pouvoir faire autrement que d’être en arrêt maladie, à consulter un psychothérapeute pour surmonter les difficultés qu’il rencontre, voire à se suicider lorsqu’il ne voit pas d’autres issues à ses problèmes professionnels devenus trop envahissants. Le travail peut donc être aussi source de pathologies, de conflits psychiques, d’effondrements, de dépressions, d’atteintes narcissiques, voire de décompensations psychotiques et signer ainsi l’entrée dans la psychose plutôt que sa sortie.
On peut alors se demander si le travail est thérapeutique, ou si au contraire il est pathogène. Dans quelles conditions permet-il d’atteindre un équilibre psychique, et dans quelles conditions ne le permet-il pas ? Les patients stabilisés doivent-ils retravailler ? Certains d’entre eux peuvent se poser la question, mais d’autres n’ont pas le choix dans la mesure où le travail permet de subvenir à leurs besoins matériels et que les aides sociales ne sont pas toujours suffisantes. Mais comment un travail obligatoire peut-il permettre à quelqu’un de trouver un équilibre psychique ? On peut se demander pareillement comment un enfant qui est obligé d’aller à l’école jusqu’à l’âge de 16 ans peut trouver un équilibre psychique dans le fait d’être obligé de fournir un travail scolaire. Ou serait-ce au contraire parce que le travail est obligatoire qu’il est psychologiquement structurant ? Et dans ce cas, pourquoi la retraite est autant perçue comme une libération si le travail est censé participer à notre équilibre psychique ? Ou cela signifie t-il que la retraite serait au contraire susceptible de provoquer des souffrances psychiques provoquées par l’inactivité professionnelle ?
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Cet article vise à analyser les éléments de continuité et de rupture à l’œuvre dans le mode taylorien d’organisation du travail et le management moderne. Il met notamment en évidence l’importance, dans ces deux modalités de mises au travail, de l’idéologie, et de l’attaque des savoirs, des métiers ainsi que de l’expérience des travailleurs afin de disqualifier toute prétention de leur part à influer sur leurs missions et leurs méthodes de travail.
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L’article est consacré à repérer la fonction vitale du conflit dans le Kulturarbeit que cherche à définir Freud. Pour ce faire la tradition théorique de la clinique du travail est reprise sous l’angle particulier d’une clinique de l’activité. La définition du collectif de travail est questionnée à partir d’un exemple singulier pris dans le domaine de la création : celui des rapports professionnels avortés entre trois poètes à Weimar : Hölderlin, Schiller et Goethe.
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Le Service d’Aide à l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées est un service médico-social accompagnant des personnes en situation de handicap psychique autour de la question du travail. Avant que ne puissent s’engager des démarches pratiques vers la recherche d’un emploi, c’est tout un mouvement de mise au travail des représentations de soi qui s’opère dans le cadre d’un accompagnement, mettant en lumière l’importance des identités sociales – les « casquettes » –, dans leurs dimensions aliénantes comme étayantes vis-à-vis de la reconstruction subjective des personnes reçues.
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Dans une lecture croisée de la psychodynamique du travail avec la psychothérapie institutionnelle, l’auteure interroge le rapport entre le collectif conçu comme espace agonistique et la sous-jacence de l’éthique. Elle analyse les rapports entre la politesse comme règle sociale et la gentillesse comme règle éthique et souligne les limites du modèle aristotélicien de la délibération collective, quand on a besoin de penser la dynamique du collectif soignant en tenant compte de son hétérogénéité. L’éthique est considérée comme condition du collectif autour d’un « minimum nécessaire » qui rend possible le conflit et l’élaboration de règles éthiques pour l’action. L’article se conclut sur les questions soulevées par l’articulation entre le collectif de pairs et la fonction de chef d’orchestre.
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Faisant dialoguer philosophie, sociologie, théorie du management et des relations humaines, économie et sciences du travail (ergonomie, psychologie et psychosociologie du travail), la présente contribution prête une attention philosophique à l’usage des instruments (entretiens et enquêtes statistiques) et aux vecteurs idéologiques (théories de la motivation, psychologie positive, nouvel hygiénisme, optimisme managérial, hédonisme injonctif) de la fabrication du bonheur au travail. Elle s’appuie sur l’analyse des conceptualisations du bien-être et de la qualité de vie au travail, au service d’une vie compétitive, qui se sont succédé du début du XXe siècle à nos jours. Elle a pour fil directeur le décryptage des soubassements normatifs et éthiques, ainsi que des logiques de pouvoir et des leurres sur lesquels repose le gouvernement des hommes par la promesse du bonheur.
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Cet article aborde les difficultés du retour au travail après un épuisement professionnel dans une perspective psychanalytique. Sont évoqués les effets cliniques psychiques, corporels de la perte de sens du travail. La notion de nostalgie et son histoire permettent un détour pour appréhender la question du retour et du retour au travail autrement.
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Peu abordée dans la littérature psychanalytique, la retraite se révèle, à bien des égards, un objet éclairant, notamment de l’expérience professionnelle, de par son retentissement, dans l’après-coup, sur la santé psychique du sujet. Chevillé à un travail de thèse pour lequel ont été menés 28 entretiens de recherche auprès de femmes nouvellement à la retraite, cet article se propose d’approcher ce sur quoi est susceptible de reposer l’édification du passage à la retraite chez les femmes.
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La traduction de Trauerarbeit par « travail de deuil », passée aujourd’hui tant dans le discours et la communauté psychanalytiques que dans l’usage commun, a soulevé peu d’interrogations. Pourtant le terme de travail associé au terme deuil a des effets sur la clinique même : quel résultat peut-on attendre d’une expérience dont Freud lui-même disait qu’elle relevait de l’inconsolable ? Une historicisation de « l’ensauvagement de la mort », selon l’expression de Philippe Ariès peut être utile pour comprendre comment le deuil est devenu une « entreprise intime », une affaire de soi à soi.