Résumé : La concomitance de symptômes psychiatriques et addictologiques est problématique en clinique de routine. Elle fait émerger des patients « ni-ni », qui ne sont pris en charge ni par les structures de soins psychiatriques, ni par les structures addictologiques. Ceci nous semble liée à une approche causale dans le raisonnement clinique des praticiens, dont le modèle est la pharmacopsychose. L’approche clinique des situations de double diagnostic nécessite une mise en suspens du jugement causal du praticien sur les troubles pour la mise en place de soins intégrés et non plus séquentiels.
2017- (vol.6) – Addictions et troubles psychiques
Ce numéro interroge la question de l’addiction-maladie: y aurait-il une telle dépsychiatrisation de l’addictologie, un regard si peu clinique du fonctionnement psychique que nous passerions à côté de tous ces malades, névrosés, pervers, mais surtout psychotiques alors non repérés dans leur majorité, pour ne les prendre que pour des addicts ?
Les sexoliques, les ergomanes, les joueurs excessifs, les cyberaddicts , les bigorexiques, , existent-ils comme porteurs d’un symptôme dont les « psy » auraient à s’occuper et/ou viennent-ils dire une forme d’adaptation au culte de la performance et aux compétitions organisées socialement à chaque instant et/ou valider de nouvelles normes ou valeurs anthropologiques ?
Quelle peut être l’interprétation de l’usage des produits ou des addictions comportementales si l’on peut penser que ces pratiques peuvent être des traitements de substitution ? Si les addictions sont des béquilles chimiques ou comportementales, que viennent- elles tenter de porter ou de suppléer, et dire de l’économie psychique du sujet ?
Quelles propositions soignantes au quotidien pour ceux dont la psychiatrie n’a pas voulu, quand ils étaient « toxicomanes » , qu’elle sait mal guérir, pour peu qu’ils soient malades ?
Quid de la psychanalyse et de la place qu’elle leur offre si elle ne veut pas réduire le sujet à son addiction ?
Comment ces questions cliniques, celles d’un monde promis de « tous addicts » interrogent-elles le lien social contemporain et son rapport au désordre ou à la désorganisation psychique?
Accueil des sujets addicts en institution: quelques refléxions (encore) actuelles
Résumé : l’auteur propose, au fil de son expérience et de ses rencontres avec les patients “addicts” quelques pistes de réflexion pour penser et mettre en place un accueil en institution, adapté et spécifique de cette population, dans le cadre des pratiques de thérapies institutionnelles. Un rappel est mentionné sur le fait majeur que “c’est la relation qui soigne” quand elle s’appuie sur une position éthique toujours réintérrogée à la lumière des sciences humaines puis des neurosciences.
Légitime défonce ou plaisir coupable
Résumé
A partir de la notion de « légitime défonce », jeu de mot d’un patient pour exprimer son droit à consommer des substances psychoactives, comme solution pour se protéger d’un monde injuste et absurde, se pose la question de la fonction écologique que l’addiction peut occuper chez un sujet, et notamment en quoi cette notion fait écho aux notions de dette inversée et de légitimité destructrice. Cela est extrêmement fructueux au niveau relationnel, mais aussi pour mieux repérer les freins et les raisons qui empêchent quelqu’un à renoncer à son addiction. C’est aussi dans une optique de réduction des risques savoir accepter les consommations, pour aider l’intéressé à trouver le temps et le chemin pour évoluer sans trop de complications.
Temporalité des soins à l’Hôpital de Jour Addictologie et Psychiatrie : du produit aux soins en passant par la pré-admission
Résumé
Au cours de la période d’addiction, le temps serait comme suspendu pour la personne addict. Les soins à l’Hôpital de Jour Addictions et Psychiatrie de la Fondation de l’Elan Retrouvé pourraient permettre une remise en mouvement pour le patient. Grâce à une période de pré-admission composée de groupes thérapeutiques (de parole et de collage) combinés à des entretiens réguliers, la personne pourrait reprendre un statut de sujet et se remettre à suivre le cours du temps sociétal.
Destin des addictions
Résumé :
L’auteur aborde le problème du destin des addictions d’abord à partir des destins non-pathologiques de la pulsion de mort tels qu’ils ont été traités dans la théorie psychanalytique, pour montrer, à travers certaines situations cliniques, comment l’addiction peut se sublimer et devenir une solution identitaire. Il adopte ensuite le point de vue inverse, partant de la clinique et des modalités de mise place des psychothérapies des patients toxicomanes, tel qu’elles furent élaborées dans les années 90, pour montrer que les grands principes théoriques de prises en charge de ces patients, avant la naissance de l’addictologie, sont restées très actuelles autour de la notion de temporalité, de dissonnance voire d’approximation.
Jeu : « addiction « comportementale » ? Quelle drogue ? Sans objet ?
Résumé.
Dès le XIXe siècle certains psychanalystes post freudiens considèrent le jeu (game, gambling) comme une addiction, notamment Otto Fenichel qui s’appuie sur Thérèse Benedek, laquelle reprend des idées d’Edward Glover. Le jeu (play) étudié par Winnicott est autre chose mais l’intérêt que lui a porté Freud concerne aussi le développement de l’enfant à l’adulte, donc le développement de l’appareil psychique. Nous étudions ici comment le jeu concerne l’objet psychique, rendant ainsi à la notion d’objet toute sa problématique psychanalytique, c’est à dire sa matérialité langagière.
L’anorexie mentale à l’épreuve de la clinique projective : pathologie du narcissisme ou état limite ?
Résumé : Cette communication propose de montrer l’intérêt des épreuves projectives dans la clinique de l’anorexie mentale à l’adolescence. Au-delà du diagnostic, la question de la sexualité féminine à l’adolescence, de la position dépressive ainsi que l’inscription dans la temporalité sont discutées. Ces propos sont illustrés par l’étude du cas de Colombe jeune fille anorexique de 16 ans.
Addictions et conduites dissociantes chez les sujets hyperstimulables
Résumé :
Les conduites addictives ne relèvent pas toujours d’une problématique de dépendance. Chez certaines personnes particulièrement sensibles, la consommation de toxiques peut être un moyen de réguler l’anxiété et les émotions négatives. Le produit favorise la dissociation et permet de retrouver ce sentiment d’étrangeté, de déconnection et de dépersonnalisation déjà expérimenté lors des situations traumatisantes vécues dans l’enfance. Ces conduites dissociantes peuvent prendre différentes formes et doivent être différenciées lors du traitement des conduites addictives. Après avoir exposé nos présupposés théoriques sur l’hyperstimulabilité (Dabrowski, 1964) et la dissociation péri-traumatique, quatre vignettes cliniques ainsi que le discours provenant des séances de thérapie de ces quatre femmes viendront illustrer notre propos.