2016/1- (vol.4) – La transmission en psychanalyse et en institutions
La question de la transmission en psychanalyse se pose de manière originale par rapport aux autres sciences et aux autres pratiques dans la mesure où le traditionnel diplôme ne permet pas à lui seul de valider un savoir faire. Il est également nécessaire d’avoir soi-même analysé sa propre psychée avant de prétendre le faire pour les autres, notamment pour avoir quelques connaissances des transferts et des contre-transferts présents dans une analyse. Et à l’inverse, il n’est pas non plus suffisant d’avoir fait soi-même une analyse pour prétendre analyser la psychée des autres, tant les connaissances sur le psychisme sont indispensables à la pratique et à la théorie psychanalytiques, que ces connaissances relèvent de la psychologie, de la philosophie, de la linguistique ou encore de la sociologie pour ne citer que quelques exemples de sciences humaines impliquées plus ou moins directement dans l’étude de la psychée. La question de la transmission en psychanalyse ne se laisse donc pas facilement appréhender, d’autant plus que la dimension corporelle est indissociable de celle de la psychée, si bien que la psychiatrie, la médecine, la pharmacologie ou encore la biologie sont parties prenantes dans la compréhension de la pratique analytique. Pour toutes ces raisons, la question de la transmission en psychanalyse interroge donc sans cesse.
D’autre part, la pratique analytique est susceptible de s’effectuer au sein d’institutions qui elles aussi interrogent la question de la transmission : qu’est ce que l’on transmet aux patients ? Qu’est ce qu’ils nous transmettent ? En quoi l’institution fait-elle tiers dans la pratique clinique ? Qu’est ce qu’elle transmet ou ne transmet pas, que ce soit aux soignants ou aux soignés ? Comment s’organise le travail du soin dans une institution ? Le hasard est-il nécessaire à la transmission ?
Transmission de la psychanalyse à la psychiatrie
Résumé. La psychanalyse a transmis à la psychiatrie une certaine idée de l’ « homme psychique » qui a été à la base de ses pratiques thérapeutiques même après la domination de la « psychiatrie biologique ». Ces dernières années, une nouvelle conception du « malade-citoyen » vient contester la conception psychanalytique du malade mental, en introduisant ses propres pratiques et valeurs, appuyées sur un mouvement de société plus large. Néanmoins, la notion de psychothérapie garde sa valeur attractive en tant que travail psychique partagé et pourrait permettre à la pensée psychanalytique de garder son influence en psychiatrie.
La passe
Résumé. En quoi un certain mode d’agencement collectif de travail pourrait éviter la reproduction dogmatique d’un savoir ? Un savoir sur l’inconscient ne saurait être transmissible. Ce que certains peuvent éprouver des effets de rencontre avec cette expérience de l’inconscient va permettre d’en soutenir l’existence dans leurs pratiques professionnelles.
Qu’une position à y tenir ne soit pas l’effet d’un modèle imposé mais qu’elle s’appuye sur l’expérience de cette rencontre et le travail partagé avec quelques autres dans la prise en compte du malaise contemporain, voilà sur quoi je vais mettre l ’accent.
Transmission et travail de la dissymétrie en situation interculturelle
Résumé. L’auteur de ce texte évoque la transmission culturelle d’abord à travers les directions de thèses à l’université autour de l’idée de ce que les doctorants d’origine étrangère transmettent à leur directeur de thèse. Il défend l’idée d’une articulation entre décentrage et dissemblance pour développer la notion de dissymétrie permettant une transformation des représentations. Il évoque dans un deuxième temps cette même dissymétrie sur le plan clinique, entre le praticien et son patient, estimant qu’elle permet de délimiter l’espace de la parole, celui du mouvement et des affects, le cadre thérapeutique étant toujours à réinventer. L’article est traversé par l’idée de ne pas réduire l’appartenance culturelle du sujet à sa propre dimension culturelle mais de laisser toute la place à l’inquiétante étrangeté.
L’institution se transmet-elle?
Résumé. Réflexions croisées entre une psychologue et une infirmière, collègues en psychiatrie, sur la notion de « transmission » (intérêt et écueil) dans les prises en charge au long cours, de patients psychotiques en hôpital de jour.
Ce que les patients nous transmettent
Résumé. Notre propos sera une tentative de mise en perspective des éléments d’une logique de la transmission autant que la transmission elle-même, logique comme position par rapport au savoir ou même plutôt au non – savoir. À partir d’un premier point qui est la rencontre avec un patient, seront dépliées et articulées la question de l’altérité, celle de la séparation instituante, la position par rapport à un point de non savoir. Le non savoir est à entendre là dans sa différence avec la connaissance trompeuse, comme un savoir du côté du docte ignorance. Au travers des notes cliniques seront abordées l’acceptation d’être déplacé et transformé par le patient, la capacité à s’ex- situer par rapport à l’institution mais également à sortir de la fascination produite par les dires de certains patients. Cette transmission parfois invisible de la part des patients vient interroger notre savoir-faire de psychanalyste mais également notre savoir- faire clinique de praticien en institution et notre responsabilité.
Éthique et bouts de ficelles
Résumé. Dans cet article, l’auteure récapitule l’itinéraire de recherche qui l’a conduite à mettre sur le même plan « les récits de pause café » des soignantes avec les « petites histoires » de Jean Oury dans son séminaire à Sainte-Anne. Ces récits énoncés sur un mode tragi-comique, cathartique et humoristique, servent à l’élaboration de la souffrance générée par l’activité de soin, ainsi qu’à la transmission du métier, en développant des péripéties où l’éthique prend la forme de la ruse et l’autodérision.
Pédagogie institutionnelle. Transmettre : la nécessité du hasard.
Résumé. La pédagogie institutionnelle s’est construite en proximité avec la psychothérapie institutionnelle. Elle s’est développée à l’école, comme une pédagogie active, mais aussi dans des institutions sociales, dans le travail social, la formation. Fernand Oury en est la figure majeure, mais beaucoup d’autres – et nombre de groupes « praticiens - ont joué et jouent un rôle important dans sa diffusion et sa « transmission ». La transmission est toujours une équation à plusieurs inconnues. Elle n’a pas manqué de se poser tout au long de l’histoire de ce mouvement. Mais on peut retenir trois choses de cette histoire : – Les fondateurs ne sont jamais seuls dépositaires de leurs fondations, ni de leur transmissions, – Un transfert spécifique, éclaté, est à l’œuvre dans et entre les groupes historiques, – C’est par les livres, les témoignages, l’existence de lieux des pratiques, les stages de transmission des pratiques, que se joue, aléatoirement, la transmission. Nul ne sait qui « s’autorisera ».
VARIA. Le concept de la nouvelle économie psychique de Charles Melman
Résumé. La nouvelle économie psychique est un concept dε Charles Melman, qui concerne la manière selon laquelle cet auteur se prend, et ceci déjà depuis un certain temps, pour expliquer les changements sociaux qu’il constate durant ces dernières décennies et leur conséquences, entre autres, sur la clinique psychanalytique. L’article fait référence aussi à l’apport d’autres auteurs autour de la même question, surtout, celui du psychanalyste Belge, Jean-Pierre Lebrun, membre de l’Association Lacanienne Internationale – de l’Ecole que Charles Melman a fondée. L’argument principal de Melman est que, de nos jours, le lien social – du moins dans le monde occidental, est régit par un impératif néolibéral de jouissance sans limites, de telle façon que la castration symbolique ne fonctionne plus. Le déclin progressif du patriarcat depuis déjà le XIXème siècle, que Lacan et d’autres penseurs avaient constaté, tend à donner de la marge à une société matriarcale et une économie psychique que Lebrun, de son côté, a nommé «économie de l’arrière pays», faisant référence à des structures sociales de l’antiquité – avant l’ère du patriarcat.