Résumé. Il y a un écart entre le rôle joué par la psychiatrie et la psychanalyse dans l’accompagnement des personnes autistes, en réalité très partiel, et la représentation dominatrice qu’en donnent certains de leurs partisans ou leurs adversaires. Aussi, ces deux disciplines, bien qu’elles soient distinctes et traversées chacune par divers courants, entretiennent chez des parents la crainte d’une emprise corporatiste au détriment des parcours de vie de leurs enfants. En France, c’est pourtant la pédopsychiatrie qui a joué le rôle d’initiateur anti-asilaire entre 1955 et 1975. Elle était alors inspirée par les idéaux de la psychanalyse pour « la réhabilitation du sujet ». Ensuite, c’est aux parents qu’est revenu le maintien d’une radicalité anti-asilaire, retournée contre ces disciplines. Car depuis les années 80, tantôt en duo, tantôt séparées (voire opposées), elles n’ont pas toujours accompagné avec discernement les évolutions et les exigences familiales et sociales d’une modernisation. Celle-ci a élargi le plateau technique utile, bien au delà du « soin » et du médicament, et bien au delà d’accompagnements institutionnels fragmentés, de l’ enfance à l’ âge adulte, entrecoupés d’abandons et de rejets sociaux. Tant que des discours venus de la psychiatrie ou de la psychanalyse prétendront à une suprématie sur les causes de l’autisme ou sur les parcours de vie des personnes, ces professions susciteront de l’hostilité. Elles devraient maintenant délimiter leur exercice nécessaire à leur juste place.
2014/1 – (vol.1) – Autisme, psychose et états-limites dans les institutions psychiatriques
En inventant la psychanalyse, Freud a élaboré un savoir et une pratique qui sont principalement opérants sur la névrose. Or, dans les institutions psychiatriques, l’essentiel des patients présentent des pathologies qui relèvent de la psychose, c’est pourquoi nous nous demanderons comment la psychanalyse est utilisée aujourd’hui avec l’autisme, la psychose et les états-limites dans les institutions psychiatriques.
Autisme : y a-t-il un impérialisme du soin dans les services ? (II)
Résumé. La psychiatrie et la psychanalyse ont occupé une place dominante dans les institutions sanitaires et medico-sociales depuis les années soixante même quand elles n’étaient pas physiquement dans les services. C’est en parallèle, ou en opposition à elles, que d’autres disciplines ont apporté ensuite des modalités d’accueil nouvelles pour les personnes autistes. Pourtant, l’ère d’un « tout thérapeutique » n’a jamais vraiment existé. Une fiction illuminait la « psychothérapie » ou « le soin », irradiées par ces deux professions, et laissant dans l’ombre les autres accompagnements qui allaient du simple gardiennage asilaire à la scolarisation, en passant par de multiples activités éducatives et sociales. Le « suprémacisme » de ces disciplines a perdu de son aura mais il persiste dans le vocabulaire de nombre d’équipes tandis que pour les familles des confusions existent entre « le traitement », « le soin », « le thérapeutique », la « psychothérapie » et « la psychothérapie institutionnelle ». Cette dernière ne représente pas non plus la seule approche pour analyser les actions et les interactions dans les services, leur critique constructive et les innovations.
Autisme : pour une mise à jour de la diversité clinique (III)
Résumé. La psychiatrie et la psychanalyse ont longtemps dominé les discours sur la clinique de l’autisme. Elles ont ensuite accepté avec réticence les apports d’autres disciplines. Plus récemment, elles s’en approprient certaines innovations, au risque de travestir l’interdisciplinarité qui s’impose peu à peu.
Il leur faut maintenant :
- sélectionner avec précision leurs apports cliniques utiles et leurs actions dans les parcours de vie suivant l’âge et le type de troubles.
- apprendre à fédérer les observations des autres disciplines du plateau technique, quand on le demande. Il s’agit d’ innovations issues de spécialités médicales (comme la génétique et la neuropédiatrie), de la psychologie du développement, du cognitivisme, de la psychomotricité et de l’éducation. Cet apprentissage difficile exige du temps car il n’est pas spontanément acquis lors des études de psychiatrie, de psychologie ou de la formation « à une méthode ».
Les équipes accompagnantes, qu’elles soient éducatives, sociales, thérapeutiques, ou mixtes en ont maintenant grand besoin pour accéder à la complexité de la clinique de l’ autisme.
L’apport de la psychanalyse en institution dans la clinique de l’autisme
Résumé. La psychanalyse apporte aux personnes autistes une spécificité dans une complémentarité d’approches, dans les suivis individuels, en lien avec les familles et dans les équipes. La rencontre avec une personne autiste dans ses intérêts sensoriels, sans imposer un regard en direct tout en accueillant les regards spontanés facilite la communication, évite des états de saturation sensorielle et émotionnelle, et diminue les angoisses spatiales. Avant d’exiger des comportements socialement adaptés, un travail en psychothérapie sur la construction du sentiment d’exister dans son corps et dans son environnement favorise la relance spontanée du lien et prépare à une meilleure disponibilité aux activités proposées et aux exigences sociales. La narrativité des éprouvés corporels, le jeu avec des variations sensorielles, la compréhension et la mise en sens des enjeux des comportements restreints réduisent les comportements violents, l’hyperagitation, les états de saturation sensorielle, l’état de clivage et les tensions musculaires. Le travail institutionnel à partir de l’analyse des effets du transfert veille à l’articulation d’approches complémentaires en lien avec les familles en évitant les clivages. L’apaisement que procure cette approche permet de diminuer les troubles du comportements des personnes autistes, le recours aux traitements médicamenteux et participe à leur évolution.
Pour un traitement analytique et institutionnel des psychoses
Résumé. Soutenue par un cadre institutionnel modélisé par les lois du langage, une thérapeutique des psychoses est possible dès lors que sa visée concerne la conquête d’un lien social plutôt qu’une guérison régie par des normes. Le travail porte sur la jouissance prisonnière des soubassements du langage en essayant de la détourner au profit de l’acte de parole et d’une langue de l’adresse. Ce déplacement peut être considéré comme une création. S’adjoignent à cette intention fondamentale, la construction d’un récit rendu possible par la traversée institutionnelle, le travail de la perspective et une conception du secteur où du sujet se délègue d’un lieu à l’autre comme dans une chaine signifiante.
Les logiques de la psychose
Résumé. Cet article se propose d’esquisser une métapsychologie de la psychose en se focalisant uniquement sur la description des processus psychiques qui sont caractéristiques de chaque pathologie, ce qui permet de dégager leur logique propre, et de montrer à chaque fois la dimension spatiale ou temporelle dont le patient fait abstraction. En effet, les discours et les comportements de la psychose nous apparaissent souvent comme incohérents, et pourtant, ils suivent des processus psychiques qui sont à la fois logiques et spécifiques à chaque pathologie, tel est du moins ce que cet article se propose de montrer en s’appuyant sur des vignettes cliniques. Il s’agira de voir comment l’expérience mal acquise de l’espace et du temps conduit les patients psychotiques à suivre des logiques imaginaires, que les logiciens appellent aussi des logiques formelles, parce qu’elles ont la particularité de faire abstraction d’une dimension spatiale ou temporelle de l’expérience, tandis qu’en pareille situation, les patients névrosés suivent des logiques empiriques. Ainsi, chaque pathologie de la psychose suit une logique imaginaire qui lui est propre : le processus psychique spécifique à l’autisme suit une logique trivalente ou floue, celui de la schizophrénie suit une logique hypothétique ou non-monotone, celui de la paranoïa suit une logique répétitive ou fractale, et celui des troubles bipolaires suit une logique associative, ce que l’on appelle respectivement dans la clinique de la psychose l’indifférenciation, l’hallucination, la systématisation, et le discours logorrhéique du coq à l’âne.
De l’amour contrarié au transfert érotomaniaque
Résumé. En partant d’un cas clinique d’érotomanie est développée une réflexion sur la pratique du transfert dans la psychose. Ce cas nous fait enseignement d’une part sur la manière dont peut être assumé le transfert avec le sujet psychotique, et d’autre part sur ce que le sujet invente comme solution autogène, ici délirante, pour parer à l’éminence du rapport mortifère à sa psychose. Le clinicien doit pouvoir trouver là un modèle de sa visée de thérapeute, soit l’instauration d’une fonction de limite de la jouissance.
Psychanalyse des limites. La problématique des limites, de la clinique aux dispositifs de soins
Résumé. Depuis les années 50, la clinique des cas difficiles est à l’origine de nombreux travaux psychanalytiques. L’article après avoir rappelé l’évolution des principales théories s’applique à dégager des problématiques cliniques spécifiques à l’origine d’une évolution des techniques de soins.
Les adolescents en état limite
Résumé. La notion d’état limite se rencontre souvent chez l’adolescent ou le jeune adulte. Il ne s’agit pas d’un fourre tout mais d’un état instable du sujet, qui répond à des défaillance spécifiques du symbolique, accompagnées à de grandes fragilités du narcissisme, à une disposition à la dépression, et un recours électif aux passages à l’acte et aux prises de toxiques.
L’alcoolisme féminin et la question des limites.
Résumé. Après une approche critique de la définition et du champ sémantique de la notion d’alcoolisme féminin, seront examinés les lieux communs et les caractéristiques de l’alcoolisme chez les femmes. L’abord de l’alcoolisme chez les femmes dans le champ de la psychiatrie, dans les institutions, se heurte à certaines limites cliniques, éthiques et thérapeutiques. Comment la psychanalyse peut-elle non pas mieux soigner mais mieux éclairer cette question? La question du corps en psychanalyse, l’apport de Jacques Lacan pour définir la position féminine et la jouissance Autre nous permettent d’aborder autrement la gravité de l’alcoolisme féminin.
VARIA. Placebo et transfert : l’hypothèse de l’inconscient à l’épreuve de la recherche clinique
Résumé. Largement utilisé en médecine, dans la pratique courante comme dans la recherche clinique, le phénomène placebo reste entouré d’un certain mystère. Dans la plupart des spécialités médicales, y compris en psychiatrie, ses enjeux psychologiques sont abordés à partir d’une logique causale. Bien qu’impliquée dans son surgissement, l’hypothèse de l’inconscient est rarement prise en compte dans les travaux qui l’étudient. Mobiliser cette hypothèse montre qu’en considérant d’autres concepts psychanalytiques comme le transfert, il est possible de renouveler l’intérêt que la médecine et la psychologie clinique portent au phénomène placebo.